recherche perturbations forêts froides

Recherches sur les dynamiques des perturbations

Axe 1.1 – Reconstitution des incendies forestiers durant l’Holocène

Adam A. Ali (ISEM, France) & Olivier Blarquez (UdM, Canada)
Thèses impliquées : Dorian Gaboriau, Landry Chiarello, Augustin Feusson

Il sera question de reconstituer l’historique des feux à l’échelle de l’Holocène au niveau des territoires d’étude selon une résolution temporelle variant de 10 à 15 ans. À cet effet, nous projetons d’étudier des dépôts lacustres (superficie < 10 ha). Ce sont principalement les sédiments lacustres profonds (> 3 m de colonne d’eau) qui nous permettront d’atteindre ce type de résolution temporelle et de distinguer les évènements de feux s’étant produits au niveau local, c’est-à-dire dans un rayon de 1 à 3 km autour de chaque lac (Ali et al., 2009b; Higuera et al., 2009). Les sédiments lacustres seront prélevés en hiver à l’aide d’un carottier Livingstone lorsque les lacs sont gelés, permettant de disposer de plates-formes stables. Au laboratoire, les carottes seront sous-échantillonnées en continu afin de ne pas écarter de périodes susceptibles de révéler des épisodes majeurs d’incendies.
Grâce à la sédimentation laminée (dans certains cas) et dont la chronologie est vérifiable à l’aide de nombreuses datations au 14C (ASM: accélérateur par spectrométrie de masse) et au 210Pb, les données de charbons de bois seront exprimées en influx de charbons (mm².cm-2.an-1). Des analyses numériques émanant des méthodes les plus avancées (Brossier et al., 2014; Kelly et al., 2011) seront réalisées afin de détecter les épisodes de feux. Ces méthodes visent à extraire le bruit de fond des séries brutes de charbons de bois, créé principalement par le remaniement des sédiments dans les bassins lacustres et les transports délayés des charbons dans les bassins versants, pour n’en garder que le signal à haute résolution correspondant réellement aux évènements de feux.

Une approche complémentaire de reconstitution des paléo-incendies au niveau des peuplements forestiers via les macro-charbons de bois (> 1mm) préservés dans les sols forestiers se fera par extraction sous tamisage des sols (Carcaillet, 1998; Talon et al., 2005). Nous projetons d’étudier des profils de sols forestiers en rayonnant autour de certains sites lacustres. Les charbons accumulés à l’interface entre le sol minéral et l’humus forestier seront récoltés le long de transects débutant en bordure des lacs et s’éloignant vers l’intérieur de la forêt. L’approche est fondée sur un grand nombre de datations radiométriques des particules carbonisées. Ces datations permettent de reconstruire les épisodes de flux de carbone réfractaire dans les sols par datation de la biomasse consumée, surtout dans les régions se caractérisant par des biomasses et nécromasses beaucoup plus âgées que le moment de l’incendie. La méthode est fondée sur la construction de courbes de probabilité cumulées d’occurrence des feux. Cette double approche de reconstitution des paléo-incendies (lacustre versus sols forestiers) permettra d’avoir une très haute résolution spatiale des événements de feux et de mieux caractériser l’information portée par les charbons lacustres.

Axe 1.2 Historique des feux actuels (300 dernières années)

Igor Drobyshev (SLU, Suède), Martin Girardin (SCF, Canada) & Jian-Guo Huang (Chine)
Thèses impliquées : Nina Ryzhkova, Guiherme Pinto, Marchand William

Afin de préciser la récurrence des feux durant les 300 dernières années, nous utiliserons la dendrochronologie (comptage des cernes sur les carottes d’arbres) et grâce à la méthode d’échantillonnage et de cartographie développée sur le territoire canadien par des membres du consortium, nous l’appliquerons aux autres régions d’étude. Le fait que les feux en région boréale soient très intenses, ils tuent tous les arbres en place et permettent en général la régénération de peuplements équiens quelques années après le feu.
Nous rechercherons donc l’âge des arbres vivants reflétant l’âge du dernier feu, l’âge des chandelles (arbres morts restés debout) indiquant l’année approximative du feu précédent, ainsi que l’âge de cicatrices de feux visibles sur les troncs vivants qui permettraient de dater des feux d’intensité moindre n’ayant que peu affectés les peuplements étudiés. Nous obtiendrons une estimation du temps moyen écoulé depuis le dernier feu (TDF) sur un grand nombre de sites à proximité des lacs (rayon de 1 km en incluant l’ensemble des sites étudiés pour l’étude des incendies dans les sols) et dans les territoires étendus mais à plus faible résolution spatiale (>1000 km2) autour des lacs (Bergeron et al., 2004). Le TDF sera obtenu sur l’ensemble du territoire, également à l’aide d’informations d’archives disponibles. Le TDF moyen donnera une estimation de la récurrence générale sur la période d’évaluation (300 ans; (Bergeron et al., 2004). Il sera aussi mis en lien avec des facteurs stables du milieu, par exemple certains types de dépôts. L’influence du TDF sur la composition forestière sera évaluée en comparant la composition observée dans chacun des sites échantillonnés et en superposant aux inventaires forestiers les informations sur les feux.

Axe 1.3 – Reconstitution des épidémies d’insectes durant l’Holocène

Hubert Morin (U. Chicoutimi, Canada) & Olivier Blarquez (UdM, Canada) & Adam A. Ali (ISEM, France)
Thèses impliquées : Terreaux de Felice, Hugues, Berguet Cassy

Pour bien comprendre ce qui nous attend avec les changements climatiques et également pour effectuer un aménagement de la forêt boréale qui respecte les limites de stress qu’elles ont rencontrées dans le passé, une connaissance des variations de la fréquence et de l’intensité des perturbations naturelles est essentielle. Jusqu’à maintenant, nous avons beaucoup travaillé sur les variations de la fréquence et de l’intensité des feux durant tout l’Holocène.
La dendrochronologie et les analyses paléoécologiques utilisant les charbons de bois sont très efficaces en ce domaine depuis des décennies. Bien que le feu soit une perturbation majeure en forêt boréale, les impacts causés par les épidémies d’insecte sont également d’une importance capitale, particulièrement les épidémies de la TBE dans le Nord-Est Américain. Les feux sont influencés par le climat certes mais également par le paysage dans lequel ils évoluent. Les épidémies de la TBE ont un impact sur la fréquence, l’intensité et l’étendue des incendies forestiers en modifiant, entre autres, le paysage forestier et la continuité du combustible. Malheureusement, nous ne disposions pas de paléoindicateurs fiables nous permettant d’étudier la fréquence et l’impact passé des épidémies de la TBE.  Nous développons actuellement des techniques qui vont permettre de résoudre ce problème. Deux techniques sont utilisées :

  1. Les analyses dendrochronologiques d’arbres enfouis dans les sédiments dans le fond des lacs. Cette technique devrait nous permettre d’effectuer des chronologies millénaires (1 000 à 2 000 ans) des épidémies précises à l’année près dans les régions limitrophes de la distribution de l’insecte.
  2. Les analyses paléoécologiques utilisant les microfossiles que sont les écailles de papillon de la TBE retrouvés dans les sédiments lacustres comme proxy du niveau des populations au cours de l’Holocène.