Frênaie noire inondée

Caractérisation des frênaies noires (Fraxinus nigra Marsh.) comme indicateur de la dynamique des crues au lac Duparquet à l’ouest du Québec

Dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue à l’ouest du Québec, les débits des crues printanières sont de plus en plus importants et la fréquence des années de fortes crues semble augmenter depuis le début de l’époque industrielle. Autour du lac Duparquet et dans le village de Rapide-Danseur, les habitants font état de leur inquiétude concernant ces crues provoquant des inondations sur les terrains mitoyens du cours d’eau. Afin de répondre à la nécessité de mitigation de ces inondations printanières, l’Université de Sherbrooke en collaboration avec l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) et l’Université de Winnipeg mènent une étude visant à la co-construction d’une stratégie alliant les enjeux social et environnemental.
(Photo ci-dessus : Frênaie noire inondée. Lac Duparquet, juillet 2022. © Lou Delayance).

Le projet de recherche repose sur l’étude des potentiels impacts d’un changement des niveaux d’eau (de crue et d’étiage) du lac Duparquet sur les peuplements de frênes noirs qui le bordent. Les frênaies noires du lac Duparquet constituent les peuplements parmi les plus nordiques de l’aire de répartition de l’espèce avec des individus âgés de plus de 250 ans soient les plus anciens connus en Ontario et au Québec. Dans le contexte des changements climatiques, le maintien des frênaies noires constitue un enjeu de conservation. Une baisse du niveau des crues printanières pourrait favoriser l’établissement du sapin baumier (Abies balsamea (L.) Mill.) et du bouleau à papier (Betula papyrifera, Marsh.) au détriment des frênes. À l’inverse, une augmentation des niveaux d’eau pourrait causer une mortalité par anoxie chez les frênes les plus proches de la rive laissant à penser que ce scénario ferait diminuer les zones d’établissement favorables, notamment du fait de la topographie qui limite l’expansion des peuplements à l’intérieur des terres.

Corentin JuanoleLou DelayanceC’est dans le cadre de sa maîtrise en écologie en bi-diplomation entre l’Université de Montpellier (UM) et l’UQAT que Lou Delayance s’intéresse aux frênaies noires du lac Duparquet. Elle réalise ses recherches avec Corentin Juanole étudiant à la maîtrise en environnement et milieux de montagne à l’Université de Toulouse Jean Jaurès et actuellement en stage pour une durée de 6 mois à l’UQAT. Pour la réalisation de leurs travaux, ils sont accueillis au sein du Laboratoire international de recherche sur les forets froides), à la Forêt d’Enseignement et de Recherche du lac Duparquet (FERLD).  Leurs recherches sont encadrées par le Pr. Yves Bergeron (Institut de recherche sur les forêts, UQAT) et le Pr. Jacques Tardif (Centre for Forest Interdisciplinary Research, The University of Winnipeg). Le projet est financé par le Réseau Inondations InterSectoriel du Québec (RIISQ).

Forêt d’Enseignement et de Recherche

Localisation de la Forêt d’Enseignement et de Recherche du Lac Duparquet (FERLD, zone verte) et emplacement des sites d’échantillonnage des frênaies noires (points rouges).Conception : Corentin Juanole

zone de transition

Transition entre zone à Onoclea sensibilis (à gauche) et Matteuccia struthiopteris (à droite). Le lac se situe à gauche de la photo. © Lou Delayance

Durant l’été 2022, les étudiants se sont rendus sur une vingtaine de frênaies bordant le lac Duparquet pour délimiter les zones d’établissement du frêne noir et décrire leur structure en lien avec le gradient de perturbation impliqué par les crues. Des placettes circulaires ont été établies dans chaque zone de végétation identifiée le long de transects positionnés perpendiculairement au rivage. L’étude consiste également à réaliser des relevés de végétation de sous-bois afin de comprendre comment les cortèges floristiques s’établissent dans chaque frênaie. En effet, certaines espèces sont indicatrices des niveaux d’eau atteints par les crues dans les frênaies. Par exemple, la présence d’onoclée sensible (Onoclea sensibilis) témoigne d’une exposition prolongée aux inondations de dégel printanier tandis que la fougère-à-l’autruche (Matteuccia struthiopteris) est observée dans les milieux plus élevés par rapport au niveau d’eau du lac.

Une description de la granulométrie des sols ainsi que des échantillonnages dendrochronologiques sont également prévus pour appuyer l’étude de l’influence des régimes de crues sur les milieux. La diversité des données récoltées permettra la construction d’une cartographie écologique des frênaies noires. L’un des objectifs à moyen terme est de produire un modèle hydraulique de modification du niveau du lac afin de modéliser les aires favorables à l’installation du frêne noir en cas d’aménagement du Rapide-Danseur ou de changements dans les régimes hydrologiques sous l’effet des changements climatiques.

photographies de frenaies

Photographies des frênaies et des relevés de végétation au Lac Duparquet, juillet 2022. © Lou Delayance et Alexandre Nolin

Article rédigé par Lou Delayance (loujeannejacqueline@uqat.ca), Corentin Juanole (corentin.juanole@etu.univ-tlse2.fr) et Dorian Gaboriau (dorian.gaboriau@uqat.ca).